Les startups comme acteur de l’unification de l’Europe ?

L'Europe et les startups, le début d'une idylle ?  

Il y a quelques jours je tombais sur cette infographie signée Die Zeit, et reprise par le journal Courrier International. Inutile de maintenir plus de suspens, le palmarès n'est pas en notre faveur. Oui, nous ne serons probablement plus jamais dans la course aux brevets (l’avons nous déjà été ?). J'ai cependant été stupéfait de voir que ma perception de l'Europe était totalement erronée. A y regarder de plus près, nous ne sommes  pas du tout un continent moribond et vieillissant comme il est trop souvent dépeint dans les médias.

Exportations, population, soldats, émissions de CO2, coefficient d’inégalités ou encore médailles olympiques, par plusieurs aspects, notre continent est comparable, si ce n’est supérieur aux États-Unis et à la Chine par certains aspect.

Mieux, ces prismes de lecture, par exemple les émissions de CO2 ou encore coefficient d'inégalités sont le reflet d'une réponse à des enjeux majeurs, plus que jamais actuels et qui ne pourront plus être ignorés bien longtemps par les autres super-puissances.


Mesurer la maturité d'un écosystème à travers des métriques opérationnelles ?

Extrait de l'article de Dealroomx

Adepte de la newsletter de la banque d’affaires eCap Partner, j’ai eu la sensation que le nombre de séries B et plus avait significativement augmenté ces derniers mois. Cette info est d'ailleurs corroborée par un article très pointu de Dealroom (merci au passage à Arthur d'Avolta Partners pour le pro tips). L'Europe n'a jamais été autant et aussi fortement financée. Plus de 16 milliards d'euros ont été injectés depuis le début de l'année, dont 9.3 milliards d'euros rien que sur le dernier trimestre. Et ce malgré un nombre de deals en baisse, qui met en exergue cette tendance, les niveaux de financement s'envolent.

Qu’on se le dise, les levées de fonds n’ont pas toujours des conséquences souhaitables pour les entrepreneurs. Néanmoins, comment interpréter une telle augmentation du nombre d'hyper-valorisations à l’échelle d’un écosystème tel que la French Tech, voir même sous un prisme européen ?

Pour rappel, chaque levée de fonds s’accompagne d’objectifs souvent identiques, à minima similaires quelque soit le projet financé. J’espère que mes lecteurs avertis ne s’insurgeront pas de l’approximation de mes propos à venir concernant ces objectifs.

Ainsi, pour un tour dit de "seed" on va généralement chercher à valider une adéquation entre produit et son marché, le fameux market fit. Une "série A" permettra généralement à la startup de démontrer une capacité à maîtriser son hyper-croissance à plus grande échelle. Généralement à une échelle nationale, mais surtout en un temps record. On dispose rarement de plus 18 mois avant d'avoir besoin de passer au stade de levée suivant.

On atteint alors le second palier, souvent fatidique. L'objectif reste le même, mais le référentiel géographique n'a plus de limite. Ainsi, la série B est alors destinée à attaquer des marchés internationaux. Même si cela signifie la plupart du temps d’aller ouvrir un bureau à San Francisco ou à New York, c’est également l’opportunité d’aller taper à la porte de nos voisins plus ou moins proches. Bien que cette étape ne soit pas encore la norme, tant un marché comme les US est accessible de par sa nature homogène et structurée. Il est à l'inverse bien plus concurrentiel et donc extrêmement périlleux.

Ainsi, même si je ne suis personnellement pas fan des levées de fonds à tout va, la normalisation de montants de levées de fonds aussi importantes traduit indéniablement une propension des fondateurs Européens à créer et à gérer des entreprises viables à une échelle mondiale. Les projets sont plus matures et s'attaquent à des secteurs où il reste des opportunités mondiales à saisir. On pensera par exemple à Meero qui a stupéfait tout le monde et qui, de dire d'experts, n'est pas prêt de s'arrêter en si bon chemin.


La startup, le meilleur ambassadeur de l'Europe en Europe ?

Transferts technologiques, rupture de la barrière de la langue (si si !), normalisation des processus, coordinations juridiques, détection des spécificités de marchés, recrutements multi-culturels ... Autant de conséquences qu'une entreprise implantée dans plusieurs pays européens insufflera à l'ensemble de ses collaborateurs.

Pour prendre un exemple que nous connaissons bien, Mailjet est physiquement implantée dans 15 pays dont l’Allemagne, les Pays Bas, l’Espagne ou encore la Bulgarie. Les équipes sont donc transverses et capitalisent chacune sur les forces des collaborateurs qui la composent.

A l'inverse du marché Américain, le marché Européen est particulièrement hétérogène, voire même carrément inaccessible si on est mal préparés. La manière la plus simple dont disposent les startups américaines souhaitant s’aventurer dans nos contrées est bien souvent de racheter puis tenter de démanteler ou d'absorber l’ensemble de ses homologues européens, pays par pays. C’est d’ailleurs l’un des enjeux de la série D il me semble.

Ainsi, la domination d’un marché d’une taille comparable, si ce n’est supérieure en taille aux US tend à conférer à nos startups un avantage concurrentiel indéniable. En effet, même s’il est vrai que le marché américain reste très différent à atteindre de par sa concurrence souvent féroce et à ses pratiques pas toujours bien comprises lorsque l’on y a pas vécu, ce marché peut être assimilé à un pays comme tous les autres, juste bien plus grand. L'enjeu est donc essentiellement culturel et financier.


La startup, un catalyseur ?

Ainsi, même si nos champions de la tech n’ont probablement pas encore industrialisé la manière de se déployer à une échelle européenne, nous, entrepreneurs, sommes les mieux placés pour en percevoir les subtilités, les risques et les opportunités. La conséquence reste d'en faire une étape clé et systémique à la création d'un géant de la tech et donc à l'essor de sa croissance.

Soyons réalistes, les obstacles à cette fédération restent légion et la route vers une Europe forte et unie par ce biais est encore hors d'atteinte à horizon court terme. Pourtant, la startup, d'habitude plébiscitée pour sa capacité à être un véritable un relai de croissance économique conserve un atout de taille. Ce type d’organisation, encore récent à l'échelle Européenne, dispose d'une capacité d’exécution tout bonnement hors du commun comparée aux industries traditionnelles.

Ainsi, ces startups qui nous montrent le chemin vers un avenir rassemblant le plus grand nombre de nos spécificités me semblent une formidable porte d’entrée vers un multi-culturalisme assumé et cohérent tant sur l’aspect humain que financier voir même juridique ou encore éthique.

Et si le projet de l’Europe tel que nous ne l’aurions jamais espéré devenait plus réaliste que jamais grâce à nos startups ?

Réponse dans quelques années.

Benjamin Tierny

Benjamin Tierny

Co-fondateur et CEO